La série des Concerts organisés par Migros Classique
en est à sa soixante-et-unième saison et se penche avec raison sur de jeunes
talents musicaux suisses, ce soir le Zougois Reto Biéri à la clarinette.
Le Kammerorchesterbasel
(KOB) était donc ce 22 janvier 2010 sur la scène du Victoria Hall de
Genève. Lorsque l’on parle de formation bâloise, le souvenir de Paul Sacher
(1906-1999) reste vif, tant la vie musicale du XXème siècle lui est
redevable des nombreuses créations qu’il a suscitée, de Bartók, Stravinski ou
Strauss à Berio, Carter et Rihm par exemple, et la vie bâloise des formations
créées, notamment le Basler
Kammerorchester, en 1926, préfiguration du KOB. Les débuts du KOB remontent
à 1984, autour de jeunes musiciens réunis pour créer un ensemble autonome à
même de réunir la musique ancienne et le répertoire contemporain.
Ce soir, la formation chambriste était placée sous la
direction du plus jeune des Järvi, Kristjan, fils de Neeme et frère cadet de Paavo,
tous trois chefs d’orchestre de renommée internationale – le père sera
d’ailleurs à la tête de l’OSR pour un prochain programme d’abonnement. Kristjan
Järvi a grandi à New York où sa famille s’est établie après avoir quitté
l’Estonie, où il a appris le brassage des genres. Toujours prompt à s’enflammer
dans des comparaisons hasardeuses, le New
York Times à parlé de lui comme d’une force cinétique sur le podium, comme
une renaissance de Léonard Bernstein. Sans aller jusque là, le parcours de ce
jeune chef est bon, passant par une collaboration avec Esa-Pekka Salonen à la
Philarmonie de Los Angeles, à la direction de l’Orchestre symphonique de
l’Opéra de Norrlands, puis à Vienne, dont il a été le chef attitré du Tonkünstler Orchester. Il est aujourd’hui
conseiller artistique du KOB. Il y a c’est vrai dans sa direction un engagement
puissant, une énergie déployée avec un sourire ravageur et des mouvements du corps,
des épaules et des hanches, qui peuvent rappeler de loin en loin un Bernstein.
Tout ceci ne suffit pas à développer un vrai projet musical autour des œuvres
programmées et cette bonne humeur nous a semblé parfois creuse. Le programme
surtout relevait d’un patchwork mettant bout à bout des pièces dont on peine à
voir la cohésion, ce qui n’aidait pas à apprécier totalement ce concert.
Le programme s’ouvrait sur Reto Bieri, dans la Première rhapsodie pour clarinette et
orchestre de Claude Debussy, au titre trompeur puisqu’il n’y en eut jamais
d’autre. C’est l’un des deux morceaux composé par Debussy en 1910 et imposé aux
élèves du Conservatoire de Paris pour le concours de cette année là, et c’est
selon son auteur l’œuvre la plus aimable qu’il ait composé. Reto Bieri s’y
montre souverain, développant de très belles sonorités dans une grande écoute
mutuelle avec l’orchestre. Ce fut une très belle interprétation de cette œuvre
rarement donnée au concert.
Suivait la Sarabande,
toujours de Debussy, mais dans une orchestration de Ravel, cette pièce étant en
fait le sommet musical de Pour le piano.
La richesse inventive de Debussy alliée au génie de l’orchestration de Ravel
donne une œuvre brève mais aux milles couleurs que l’orchestre peinait un peu à
rendre dans toutes leurs complexités.
Le Concerto pour
violoncelle, de Robert Schumann était la pièce maîtresse de cette première
partie de programme, confiée à l’archet majeur de Mischa Maïski, violoncelliste
qui est le seul à avoir étudié tant avec Mstislav Rostropovitch qu’avec Grigor
Piatigorski, et qui a connu les camps de travail soviétiques pour avoir acheté
frauduleusement un magnétophone avec lequel il voulait enregistrer les cours de
Rostropovitch ! Si l’on a entendu Maïski donner souventes fois de grandes versions
de cette œuvre, il est passé ce soir complètement à côté et ce n’est pas
dénigrer son talent que de le dire. L’alchimie d’un concert est chose difficile
à cerner, parfois elle ne prend pas. C’est le lieu de souligner que ce qui est
à mon sens la plus belle version au disque de ce concerto a justement été
enregistré dans cette salle du Victoria Hall, avec l’OSR dirigé par Ferenc
Fricsay et le violoncelle souverain de Pierre Fournier, un soir de février
1957.
Deux œuvres symphoniques nous étaient proposées en
seconde partie de concert, Le Tombeau de
Couperin de Ravel et Ouverture,
Scherzo et Finale de Robert Schumann. Dans les deux cas, le chef montre une
fougue certaine et beaucoup de dynamisme dans sa direction, l’orchestre est
souple et de belle couleur. Néanmoins, le Ravel tombe à plat dans ses premiers
mouvements, le Prélude : Vif,
est simplement vif mais ça ne suffit pas, la Forlane : Alegretto manque de vivacité justement, peut-être
simplement prise trop vite, le Menuet :
Allegro moderato est plus intéressant et permet d’accueillir le Rigaudon : Assez vif final avec
toute la force cinétique requise. La fausse symphonie de Schumann était par là
lancée et se déroula fort bellement, mais sans grande maturité. L’apport de
Schumann est, du fait de son état de santé psychique sans doute, qu’il vous met
toujours face à vos propres faiblesses. Celles de Kristjan Järvi hier soir
résidant sans doute dans l’absence de traitement de ces failles de la
personnalité et de l’œuvre, sur lesquelles on passe comme on les ignore, sans
les approfondir ni en chercher le sens.
Ce fut globalement un concert un peu débridé dont je
n’ai pas saisi le fil conducteur du programme et dont le sommet fut l’ouverture
avec le talent suisse déjà nommé, que l’on espère voir davantage dans de futurs
programmes.
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