dimanche 19 avril 2015

AUTOUR DE LA 4ème SYMPHONIE DE SCHUMANN A L’OSR


Deux soirs de suite, les 24 et 25 mars 2011, l’OSR donnait, sous la direction de Marek Janowski, la dernière symphonie de Robert Schumann, opus 120, dans sa version de 1851. Par deux fois également, le concert s’ouvrait sur Les Hébrides, Ouverture en si mineur, op. 26 de Félix Mendelssohn et c’est au soliste invité qu’il revenait de marquer la différence entre ces deux programmes.
Les Hébrides est une ouverture de concert composée par Mendelssohn lors de son voyage en Ecosse et particulièrement sur l’îlot désert et rocheux de Staffa. Il n’y a pas là toutefois de musique à programme et Richard Wagner, qui appréciait cette œuvre et la dirigeait souvent, estimait que l’on n’avait besoin d’aucun support littéraire pour en apprécier les beautés. Soit, elle reste néanmoins une ouverture de concert qui permet d’introduire un programme plus vaste de manière agréable, en mettant d’amblée tout le monde d’accord pour la suite. Il y a chez Mendelssohn une facilité fascinante qui confine évidemment au génie. Je n’y trouve cependant pas les profondeurs d’inspirations d’un Mozart ou la créativité fondatrice d’un Haydn. La facilité me semble toujours être trop visible pour me permettre d’apprécier davantage que comme une agréable ouverture de concert une œuvre de ce genre.
Le soliste du premier soir, dans la série Grands classiques, était le jeune pianiste de dix-huit ans, Kit Armstrong, à qui l’on avait confié le Concerto pour piano et orchestre N°1, en mi mineur, op. 11, de Frédéric Chopin. « Chapeau bas, Messieurs, un génie ! » s’était exprimé Robert Schumann en prenant connaissance des premières partitions de Chopin. Ce génie de vingt ans qui compose coup sur coup deux des plus célèbres concertos du répertoire est évident. Strictement contemporain de Mendelssohn et de Schumann, nous avons là trois compositeurs clés de la musique romantique, morts jeunes et tourmentés. Créé en octobre 1830 au Théâtre national de Varsovie par le compositeur, ce fut en fait le dernier concert que celui-ci donna dans son pays natal. Lorsqu’il assista à un concert de Chopin à Paris, le 26 avril 1841, Franz Liszt écrivit : « Et l’on avait raison d’être ainsi avide, attentif, religieusement ému, car celui que l’on attendait, ce n’était pas seulement un artiste de grand renom, c’était tout cela et plus que cela, c’était Chopin » ! C’est vrai que l’attente est toujours avide lorsque s’annonce un concerto de Chopin et il faut au pianiste qui le présente sans doute une certaine dose d’inconscience pour oser prétendre avoir quelque chose à dire dans une œuvre aussi connue et dont tous les plus grands pianistes ont gravé des versions de références innombrables. Le jeune Kit Armstrong avait pour lui d’avoir l’âge de Chopin, peu s’en faut, au moment de la création de l’œuvre. Annoncé comme un artiste déjà de grand renom – cinq fois vainqueur du Morton Gould Young Composer Award ou partant en tournée avec le Gewandhaus zu Leipzig et Riccardo Chailly dans le concerto de Schumann, il n’a pas manqué de recevoir les ovations du public. Ce fut cependant un peu court, jeune homme. Systématiquement en avance sur l’orchestre, au point que l’on se dise que ce fût sans doute voulu, il imprégnait cette œuvre d’une certaine urgence. Selon Chopin, dans une lettre à son ami Tytus Wojciechowski, du 10 avril 1830, « c’est une romance tranquille et mélancolique. L’effet visé est celui d’un regard calmement posé sur un lieu qui réveille mille souvenirs doux, comme une rêverie au clair de lune printanier ». Ce réveil par Kit Armstrong était plutôt en sursaut et il ne nous a pas permis de nous alanguir au clair de lune. Il avait cependant le mérite de vouloir faire quelque chose de cette œuvre, de vouloir en dire quelque chose et il y réussit partiellement mais pas suffisamment pour que nous ne ressortîmes pas de la salle avec un certain sentiment de banalité déjà entendue si souvent.
Le lendemain, ce fut au violoniste russe Boris Brovtsyn qu’il fut demandé de défendre le Poème pour violon et orchestre, op. 25, d’Ernest Chausson, et le Tzigane, Rhapsodie de concert pour violon et orchestre, de Maurice Ravel. Chausson compose son Poème alors qu’il se plonge dans la littérature russe et spécialement les œuvres de Dostoïevski et de Tolstoï et c’est sur une nouvelle de Tourgueniev qu’il trouve le support littéraire de sa pièce. En un seul mouvement, selon les préceptes d’unité de structure chers à son Maître César Franck, l’œuvre annonce le point culminant de la carrière de Chausson. Brovtsyn s’y montra souverain certes mais parfois un peu superficiel, ne faisant pas pleinement ressortir le côté symboliste de Tourgueniev.
Dans Tzigane, œuvre plus récente que les autres puisqu’elle date de 1924, Ravel se montre redoutable pour le violoniste, plus encore que dans sa sonate pour violon et piano composée quatre ans auparavant. A la recherche, selon ses propres termes, de la perfection technique, il l’exige de son interprète. Les idées d’Edgar Allan Poe sur la création artistique l’avaient profondément marqué, pour qui il convenait qu’une conception logique et bien délibérée, de bonnes proportions dans la brièveté permettent d’atteindre la beauté et la perfection technique. C’est un peu cette dernière qui prit le dessus ce soir dans le jeu de Brovtsyn, au détriment de la recherche d’une certaine beauté. Le jeu nous a semblé parfois assez dur, sinon agressif, se souvenant davantage des pages acrobatiques de Liszt ou de Paganini que des vues de Poe.
Enfin, la Symphonie N°4, en ré mineur, op. 120, de Robert Schumann terminait fort bellement chacun des deux concerts. C’est une œuvre qui convient bien à Janowski, qui permet à l’orchestre de s’y montrer excellent, au niveau de ses interprétations de Brahms entendues en début de saison dernière. L’ordre des symphonies chez Schumann ne correspond pas à la numérotation officielle. Celle que nous appelons la quatrième, fut en fait composée en deuxième avant d’être remaniée dix ans après sa création dont Schumann ne fut pas satisfait. Il avait entretemps composé deux autres symphonies, la Troisième, dite Rhénane, et une quatrième qui devint la deuxième après la révision et la postposition de la deuxième. En quatre mouvements traditionnels mais qui s’enchaînent sans interruption, elle offre un parcours cyclique où s’enchevêtrent les liens thématiques qui renforcent l’unité de l’œuvre ébranlée par l’enchaînement des parties. La rigueur de Janowski y fit merveille pour bien ordonner tout le matériau thématique dans lequel les instrumentistes de l’OSR pouvaient pleinement s’exprimer.
10 avril 2011

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