dimanche 19 avril 2015

DANS LA NATURE DU NOUVEAU MONDE, LOIN DU CHANT DE HIAWATHA


L’OSR présentait ce soir, 3 décembre 2010, en troisième concert de la série d’abonnement Répertoire, deux œuvres d’Antonin Dvorak, Dans la nature, poème symphonique op. 91, et la fameuse Symphonie N°9, en mi mineur, op. 95, dite « du Nouveau Monde », qui entouraient le Concerto pour alto et orchestre de William Walton, confié à l’archet d’Antoine Tamestit.
Dvorak avait composé trois poèmes symphoniques qu’il souhaitait voir joués en cycle, commençant par l’ouverture de concert Dans la nature, op. 91, se poursuivant avec Carnaval, op. 92, et Otello, op. 93, dotés tous trois à l’origine d’un seul numéro d’opus. Compositeur à succès, notamment consacré en Angleterre, sa production du début des années 1890 montre une nouvelle liberté de ton et une confiance retrouvée en lui-même, qui produiront, outre ces trois poèmes symphoniques, la huitième symphonie ou le Requiem, œuvres majeures du répertoire. Dvorak exprime ainsi dans les opus 91 à 93 sa foi dans la création comme véritable source du bien et du mal dans la vie. Si Dans la nature évoque le bien-être physique et moral que l’on y trouve, les joies humaines prennent le dessus dans Carnaval, avant que la jalousie ne mette un terme au cycle sur une note malsaine, revers de la médaille joyeuse de l’insouciance. Jouée seule en  ouverture de concert, Dans la nature offrait une excellente entrée en matière sous la baguette de Marek Janowski. Ce petit quart d’heure introductif permettait à l’orchestre de faire valoir des qualités de timbres qui rendent bien l’écriture de Dvorak. Il y a quelque chose de très brahmsien dans cette pièce, une certaine contemplation de la nature également, qui se termine dans une profonde douceur. Janowski ne rééditait cependant pas là le miracle des interprétations de Brahms entendues en ouverture de la saison passée. Il y avait comme une certaine nonchalance ici à expédier cette pièce non comme une œuvre à part entière, mais comme une simple ouverture de concert, avant de passer à autre chose.
Cette autre chose fut en première partie de concert le Concerto pour alto de William Walton. Compositeur anglais qui fut une sorte d’enfant prodigue dérangeant de la scène anglaise du début du XXème siècle, qui connut un réel succès avec la création de son concerto en octobre 1929, joué lors des Proms au Queen’s Hall de Londres, sous la direction de Sir Henry Wood. Le dédicataire de l’œuvre, Lionel Tertis, l’ayant trouvée injouable, c’est le compositeur allemand Paul Hindemith, également l’un des meilleurs altistes de son temps, qui en assura la création triomphale. Trouvant son inspiration, comme le Concerto pour violon de Britten, dans le premier Concerto pour violon de Prokofiev, cette œuvre s’articule en trois mouvements, Andante comodo, Vivo e molto preciso, Allegro moderato. Remanié trente ans après sa création, la nouvelle version, entendue ce soir, attira les éloges de Britten, qui lui trouvait un style détendu et frais. L’orchestre et le soliste dialoguent parfaitement, même si l’alto superlatif d’Antoine Tamestit s’alloue l’essentiel des bénéfices de la soirée. L’OSR en effet offre un accompagnement digne certes, mais dénué d’une inventivité qui pourrait réellement répondre aux traits du soliste.
C’est sur un tube que se terminait la soirée, l’œuvre attendue, celle qui justifiait sans doute la présence ce soir là de la majorité des spectateurs, la célébrissime Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak. Après les qualités des interprétations d’œuvres symphoniques de Brahms entendues l’an passé, nous pensions pouvoir tenir là une interprétation majeure de cette œuvre rabâchée. Nous en sortîmes déçus car le succès facile avait été au rendez-vous sans que le chef n’aie à aller sérieusement le chercher. Le premier mouvement, Adagio – Allegro molto était abordé sur des tempi très rapides qui ne permettaient pas aux timbres de l’orchestre de briller réellement et offraient l’impression d’une certaine confusion. Le Largo, un poco piu mosso paraissait un peu forcé, notamment aux pupitres des flûtes et des bois. Les deux mouvements finals, le Scherzo : Molto vivace – Poco sostenuto et Allegro con fuoco étaient également pris à un train d’enfer, s’enchaînant sans laisser à l’auditeur le temps de respirer. Comme souvent, les cuivres étaient trop forts, ce qui enlevaient beaucoup de son charme à une œuvre que l’on ne rendait ainsi qu’éclatante. Le public apprécie ce genre de facilité mais l’amateur reste sceptique, regrettant qu’on ne lui offrît pas mieux dans une œuvre certes des plus rabattues du répertoire symphonique, mais qui n’en demeure pas moins l’une des plus belles et des plus intéressantes. Dvorak écrivait : « Je suis tout aussi bien un poète qu’un musicien », nous avons perdu le premier ce soir. Reste à écouter le Nouveau Monde selon Longfellow : « Ye who love a nation’s legends, Love the ballads of a people, Listen to this Indian Legend, to this Song of Hiawatha ! ».
5 décembre 2010

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