Comme l’an passé, c’est sur un
concert des Berliner Philarmoniker
sous la direction de Sir Simon Rattle que j’ai terminé mon séjour salzbourgeois
et comme l’an passé, ce fut une apothéose. Après avoir entendu deux soirs de
suite le Chicago Symphony Orchestra
sous la direction fascinante de Riccardo Muti, l’on se disait que l’on avait
entendu le meilleur orchestre du monde, quoi qu’une telle expression puisse
vouloir signifier. Les Berliner
demeurent malgré tout une classe en dessus. Heureusement qu’ils clôturent le
festival. Qu’entendre sinon après eux ?
Au programme de ce premier concert
– le seul que j’aie pu voir, le dimanche 28 août 2011 au soir, la Septième Symphonie de Gustav Mahler. Composée en 1904-1905,
Mahler a commencé par les deux Nachtmusiken,
alors même qu’il travaillait encore à la Sixième
Symphonie, fait rarissime pour lui que de travailler ainsi en parallèle sur
des symphonies. C’est l’année suivante, durant l’été traditionnellement consacré
à la composition qu’il composa les trois autres mouvements et eut beaucoup de
mal à les lier aux deux premiers. Il est vrai que ces « deux Andante », comme le
compositeur les qualifie lui-même dans une lettre à son épouse, Alma, sont
d’une nature particulière dans l’œuvre de Mahler. D’un plan parfaitement
symétrique, un Scherzo central,
entouré des deux Nachtmusiken, et les
deux mouvements extrêmes, le premier marqué Langsam
(Adagio). Nicht schleppen-Allegro risoluto, ma non troppo, et le Rondo-Finale. Tempo I
(Allegro ordinario)-Tempo II (Allegro moderato ma energico). Les trois morceaux intermédiaires constituent une
unité en eux-mêmes, quasiment de même dimension que les deux mouvements qui,
traditionnellement, donnent le message de l’œuvre. Mahler a ressenti ici la
nécessité de se détourner du pessimisme de la Sixième Symphonie, comme de la douleur sauvage de la Cinquième, pour trouver un monde plus
poétique, une nuit illuminée que pourrait chanter Eichendorff. Cette nuit est
plus un thème d’ensemble qu’un programme. Le titre de Grosse Nachtmusik donné au concert par le programme de la soirée
était ainsi parfaitement juste. Willem Mengelberg, dans ses notes laissées sur
sa partition a porté une référence à la Ronde de nuit de Rembrandt, décrivant ainsi,
non pas une description musicale du tableau mais une marche avec des
clair-obscur fantastiques. Bruno Walter voyait quant à lui en cette Septième Symphonie l’œuvre la plus
objective de Mahler. C’est peut-être la moins populaire de ses symphonies et pourtant,
à mon goût, l’une des plus belles, capable de servir d’écrin aux amours de
Tristan et d’Isolde.
A ce jeu, Rattle est maître de nos
nuits, lui qui avait gravé il y a déjà quelques belles années, une version de
référence de cette œuvre, alors avec son orchestre de Birmingham, y revient
maintenant en ouverture de saison à Berlin et à Salzbourg. Le geste est simple
mais la tension intense. Vrai chef malhérien, il est capable de parer cette
nuit romantique de couleurs somptueuses, en parfaite symbiose avec cet
orchestre qu’il a fait sien et avec les musiciens desquels on sent un complet
partage. C’est Eichendorff qui nous lisait Mahler dans ces clair-obscur d’une
si subtile gamme romantique. Si l’an passé le chef nous présentait les pièces
pour orchestre de Schönberg, Berg et Webern comme une hypothétique onzième
symphonie de Mahler, faisant sonner la seconde Ecole de Vienne de manière plus
postromantique que révolutionnaire, il confirmait ce soir, avec cette œuvre qui
est généralement perçue comme la source d’inspiration de la Symphonie de chambre opus 9 de
Schönberg, l’ancrage des langages à venir.
2 octobre 2011
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