En matinée de ce vendredi 27 août
2010, Bernard Haitink dirigeait les Wiener
Philarmoniker dans la Cinquième Symphonie en si bémol majeur d’Anton
Bruckner. Nous avions déjà entendu ce chef réputé à la tête du Symphonie Orchester des Bayerischen Rundfunk,
à Lucerne en mars dernier. Si, évidemment, la vision du chef est la même qu’il
y a cinq mois, l’orchestre nous offre de multiples opportunités de nous réjouir
dans les quatre mouvements imposant qui composent cette œuvre titanesque.
La Cinquième Symphonie est en effet une œuvre immense
par ses effectifs orchestraux, près de nonante musiciens étaient sur la scène
du Grosses Festspielhaus de
Salzbourg, comme par ses dimensions, ses quatre mouvements durant d’une
douzaine de minutes pour le Scherzo,
à près d’une demi-heure pour le Finale.
Présentée – et jouée ce matin par Haitink et les Wiener Philarmoniker, comme un
miracle de cohésion formelle, cette œuvre a été terminée le 4 janvier 1878 et
est la seule que Bruckner n’ait pas sérieusement retouchée par la suite.
Peut-être était-ce parce que, la plus éloignée de l’harmonie et de
l’orchestration wagnérienne, elle tend à une esthétique classique renouvelée.
De ce point de vue, c’est peut-être, selon la formule de Sergiu Celibidache, la
plus réussie des symphonies du Maître de Saint-Florian. Tous les mouvements,
sauf le Scherzo, commencent par des
sons pizzicato des cordes, les
deuxième et troisième s’ouvrant même sur une suite identique de trente-et-une
notes. Dans le Finale, les thèmes des
trois premiers mouvements réapparaissent soit dans leurs formes premières, soit
variées. C’est sous ses dehors classiques et formels une œuvre d’une incroyable
complexité qui représente un véritable tour de force pour les musiciens qui s’y
affrontent.
L’Introduction,
Adagio-Allegro du premier mouvement place tout de suite, par les premières
notes des timbales, l’auditeur dans l’ambiance de la suite. Ce long mouvement
développé sur plus de vingt minutes nous expose la vision du chef et nous permet
de comprendre la suite. Bernard Haitink reste éloigné de la vision mystique
d’un Sergiu Celibidache pour privilégier une vision classique, faisant de
Bruckner le dernier grand symphoniste, aux côtés de Brahms plus que dans la
préfiguration de Mahler. L’Adagio – sehr
langsam est immense, comme tous les mouvements lents de Bruckner et c’est
la valeur du chef que de maintenir une tension permanente et de nous rendre ce sehr langsam sans baisse de tension. Le Scherzo, molto vivace (schnell) est le
chœur de la symphonie, le plus bref des quatre mouvements, celui qui trace
toute l’ironie mordante du monde. Les scherzos brucknériens sont aussi typiques que ses adagios, une véritable
marque de fabrique qui donne une puissance incomparable à ces œuvres. La tenue
de l’orchestre est impeccable et si le sehr
langsam précédent demeurait soutenu, le schnell
actuel restait tenu, sans extravagance, Moloto
vivace comme le veut la partition mais sans excès. Nulle esbroufe dans la
direction apollinienne de Bernard Haitink, sa maîtrise et sa compréhension de
l’œuvre n’en ayant pas besoin pour convaincre un public acquis par un chef
comptant cinquante-cinq ans de carrière à la tête des orchestres les plus
renommés de la planète. Le Finale –
Adagio-Allegro moderato termine l’œuvre en apothéose, dans le plus long de
ses mouvements, qui déploie des arches grandioses, véritables cathédrales
classiques aux formes pures que le chef nous rendait avec grandeur.
Les Wiener
Philarmoniker sont un orchestre extraordinaire. Ils savent tout faire et
peuvent présenter des mondes entiers dans toutes leurs diversités, semblant à
chaque note prêt à inventer des sonorités nouvelles et toujours plus belles.
Bernard Hatinik les connaît bien pour les diriger souvent et une symbiose
évidente entre eux sort de chaque note. Bruckner est également depuis longtemps
au répertoire tant du chef que de l’orchestre est c’est donc une partition
parfaitement maîtrisée et connue, explorée déjà souvent sous de nombreuses
baguettes ou avec de nombreux orchestres, dont les moindres notes sont pesées
et comprises qui nous fut racontée ce matin avec infiniment de poésie. Nous
étions néanmoins en matinée et cela se sentait, non pas que l’orchestre jouât
moins bien mais à l’ambiance générale. A Salzburg, l’Orchestre est chez lui et
c’est avec une certaine décontraction – toute relative cependant, propre aux
matinées, qu’il nous donnait cette symphonie remarquable. Le fabuleux ordinaire
salzbourgeois en somme.
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