Dans Faust de Gounod, Dame Marthe tire le diable par la queue. Alors que
Méphistophélès cherche à détourner l’attention de Marthe afin de laisser le
champ libre à Faust et Marguerite, elle l’aborde par ces termes : Ainsi,
vous voyagez toujours ?, ce à quoi le pauvre diable répond que c’est
« Pure nécessité Madame, pure nécessité », regrettant une vie sans
famille, sans enfant… sans femme. Alors c’est en voyageant toujours mais sans
les mêmes ambitions, que je me retrouvais, en marge de la dixième session de
l’Assemblée des Etats parties à la Cour pénale internationale au siège des
Nations Unies à New York, au Metropolitan Opera pour y voir cette production
confiée à des voix de rêve, en ce samedi 17 décembre 2011.
Jonas Kauffmann chantait un Faust
tout en nuances, avec des inflexions dans la voix d’une douceur qui passait mal
l’immensité de la salle mais offrait une interprétation rare de ce savant qui
vend son âme au diable pour retrouver l’éternelle jeunesse. Son salut à la
demeure chaste et pure de Marguerite remplissait la salle d’une pure émotion,
alors que sa présence au finale prenait toute sa dimension dramatique. Le
retour dans son laboratoire et sous ses traits initiaux de vieillard déçu par
la science, la vie et la religion nous présente le drame comme un rêve, lui
donnant par là même plus de réalité. Encore un jour qui luit dans la voix de
Jonas Kauffmann et c’est bien au diable que nous pouvons tous aller après ça.
Son diable justement était un
chanteur d’une exceptionnelle élégance également, René Pape offrant à
Méphistophélès une puissance unique, des couleurs de timbre que nous n’avions
pas connues au rôle depuis Nicolaï Ghiaurof sans doute, dont le portrait trône
en bonne place dans le hall d’entrée du Lincoln Center, en hommage aux divers
rôles qu’il y chanta avec sa prestance magistrale. Le Veau d’or était pris à un
rythme… endiablé, alors que le rôle était présenté avec l’élégance d’un vrai
gentilhomme, un large manteau blanc sur l’épaule, des roses à la main. Ne
manquant pas d’humour il poussait sans peine la pauvre Marthe à perdre l’esprit
et à vouloir, de gré ou de force, épouser le diable. Dame Marthe d’ailleurs qui
en chût dans les décors, sans gravité heureusement, mais provoquant une
interruption du spectacle qui montre à quel point la scène peut être source
d’évènements divers au cours d’une représentation. Les rapports avec Faust
étaient d’une fabuleuse richesse, la bonne entente entre les deux chanteurs
étant manifeste et portée à ce niveau, Méphisto était séduisant en diable,
irrésistible pour tout dire.
Marguerite entre ces deux personnages
était incarnée par Marina Poplavskaya au français incertain – guère plus que
ses deux collègues masculins, soit dit en passant, était un peu rêche et si
l’ampleur de la voix est là, il lui manque parfois une certaine agilité,
notamment pour réellement rendre le célébrissime Air des bijoux. N’est pas la
Castafiore qui veut ! Elle trouvait néanmoins une vraie puissance dramatique
pour sa transfiguration finale.
Valentin, le frère de Marguerite
était incarné par l’excellent Russel Braun alors que Siébel, soupirant de
Marguerite mais par ailleurs étudiant de Faust, avait la voix de Michèle
Losier, la seule francophone de la distribution. Il est vrai que, à lire
l’annonce de la distribution et nous sachant à New York, nous craignions que le
français ne figurât pas dans les priorités de la mise en scène, ce qui fut
vrai, aucun des protagoniste n’offrant la diction que l’on eût été en droit
d’attendre au service d’un texte qui n’a, reconnaissons le, dans ce livret jamais
la qualité de la traduction de Goethe offerte par Lamartine en son temps.
L’orchestre, que nous trouvâmes
empesé aux deux premiers actes avant de prendre plus de relief aux trois
suivants, était dirigé pour cette production par le jeune et remarquable chef
canadien Yannick Nézet-Seguin, que nous avions entendu cet été diriger un
miraculeux Don Giovanni. Ce soir
pourtant, c’est un chef français, Pierre Vallet, qui faisait ses débuts au Met.
Assez classique dans son approche, il manquait de nerf souvent et ne parvenait
jamais à prendre la représentation à son compte.
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