Le deuxième concert de la Série
Symphonie de l’OSR, ce 17 novembre 2011, offrait un programme germanique
tournant autour du rare et superbe Concerto
pour hautbois et petit orchestre en ré majeur, de Richard Strauss, confié
au long souffle profond de François Leleux.
Ouvert sur une symphonie de Haydn,
la quarante-et-unième en ut majeur, qui ne marqua guère les esprit, donnée dans
un style pompeux et trop lourd pour retrouver le caractère qu’aimait à rappeler
Ernest Ansermet, lequel appréciait commencer un programme par une symphonie de
Haydn, estimant que cela mettait tout le monde d’accord pour la suite. La
suite, nous l’attendions sans nous arrêter à une œuvre rare qui recèle pourtant
toutes les qualités d’un compositeur que l’on a tendance à présenter comme le
fondateur du genre mais qui était donnée ce soir comme une ouverture
insignifiante.
Dans Capriccio, son dernier opéra, Strauss fait dire à La Roche,
directeur de théâtre de son état : « Où est le chef-d’œuvre moderne qui parle aux cœurs des gens, qui
reflète leurs âmes ? ». L’ayant ainsi écrit sous la forme
délicieusement désuète d’une conversation en musique d’une rare finesse
tournant le dos à la guerre qui détruit l’Europe, en cette année 1942, Strauss composa
en ses dernières années des œuvres d’une rare finesse d’écriture et d’une
profondeur apaisante. Alors que tout s’effondre, il donnera encore Metamorphoses, achevées avec la chute de
Berlin en avril 1945. Les troupes américaines arrivent à Garmisch et Strauss et
sa famille se retrouvent sous la protection d’officiers américains heureusement
mélomanes, dont l’un, hautboïste à l’Orchestre de Philadelphie, lui demande
d’écrire une pièce pour son instrument. Réfugié en Suisse, Strauss y finira son
Concerto pour hautbois, y écrira son Double concerto pour clarinette, basson et
cordes et terminera sur les Quatre derniers Lieder. C’est à l’Orchestre de la
Tonhalle de Zurich que reviendra, en 1946, la création du Concerto entendu ce
soir.
François Leleux, qui fit ses débuts
à l’âge de dix-huit ans comme hautbois solo de l’Orchestre de l’Opéra de Paris
a ensuite mené une carrière de musicien d’orchestre et de soliste. Cherchant à
étendre le répertoire de son instrument, il est le dédicataire de nombreuses
œuvres contemporaines. Il a ce soir présenté toutes les meilleures facette d’un
hautbois qui demeure rare comme instrument soliste, dans une œuvre emblématique
du genre qui nous montre un Richard Strauss encore maître de ses talents de
compositeur et qui tend ici comme dans ses dernières œuvres, un miroir à
l’esthétique de son temps, redécouvrant le baroque et rejetant l’atonalité pour
lui préférer un néoclassicisme charmant et virtuose, non dénué d’un humour nous
ramenant aux folles aventures de Till l’espiègle. Le rejet de la guerre et le
désarroi devant l’effondrement de l’Allemagne lui inspirent des pièces intimes,
qui offrent un oubli du présent permettant l’abandon favorable à une réelle
écoute du jeu de l’instrumentiste.
En tout point remarquable, le son
de François Leleux a envoûté, réjoui, charmé et distrait un public acquis à sa
cause dans moment de repos éloigné du monde. Offrant en bis, dans un clin d’œil
affiché à la crise actuelle, une charmante et drôle composition d’Antal Dorati
sur la fable de la cigale et la fourmi, il chanta et dansa une pièce dont
chaque note nous faisait nous ressouvenir du texte de La Fontaine, singeant les
discours de la fourmi comme de la cigale dans des timbres et attitudes opposées
montrant une parfaite maîtrise de son instrument, un virtuosité infaillible lui
ouvrant les portes d’un humour décalé.
Après avoir ainsi dansé et chanté,
nous nous trouvâmes néanmoins fort dépourvus ensuite, non que l’hiver fût tôt
venu – ce mois de novembre est bien plus chaud qu’à l’accoutumée et la cigale
pourrait y chanter encore quelque temps sans doute avant que d’affronter le
caractère peu prêteur de notre fourmi – mais que cette interprétation de la
Deuxième Symphonie de Beethoven en seconde partie de concert fût décevante. A
l’heure où Riccardo Chailly sort une intégrale des symphonies de Beethoven avec
le Gewandhausorchester de Leipzig, la question de savoir quoi faire de soi non
pas après Beethoven comme nous la posions dans un précédent billet, mais dans
Beethoven, se pose avec acuité. Certes, Chailly possède l’orchestre dédié à
Beethoven par excellence, celui-ci y ayant dirigé lui-même les deux premiers
cycles de ses symphonies donnés comme tels et étant ensuite continûment resté
au répertoire de cette splendide phalange. Chailly a quelque chose à dire dans
Beethoven. A propos de la Deuxième Symphonie, il écrit, dans la présentation du
coffret qu’il vient de publier (DECCA) : « L’introduction lente paraît faire référence à Mozart ou Haydn, et les
séries de trilles renvoyer aux structures de la musique baroque. Pourtant à la
mesure 12, Beethoven brise la façade néo-baroque ». Il y voit, dans
l’enchaînement qui suit, un exemple de l’humour subtil de Beethoven, pour
autant que ses indications de tempo soient fidèlement respectées. Le Finale est
ainsi « incroyablement moderne »,
aux côtés duquel celui de l’Héroïque
fait figure, pour Chailly, de triomphe du classicisme ! Le tempo de 152 à
la blanche voulu par Beethoven et tel qu’exécuté par Chailly, donne une
vitalité folle à ce mouvement et à toute la symphonie, qui a toujours été pour
moi, l’une de mes préférées du Maître.
Las, rien de tel avec Janowski. Il
est vrai que l’OSR n’a pas dans Beethoven la légitimité du Gewandhaus et que
son chef actuel frôle moins souvent et de plus loin le génie que Chailly.
Janowski m’a semblé continuellement hors sujet dans cette œuvre et l’orchestre
ne pas savoir ce que l’on attendait de lui. Imprécis, flottant parfois au-delà
de ce qui peut être accepté d’une formation de ce niveau, il offrait une bien
pauvre banalité dans une œuvre manifestement sous-estimée et dont on a sans
doute eu le tort de penser qu’elle se jouerait toute seule. Oublions cela en
revenant dans l’air du temps.
20 novembre 2011
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