Juan Diego Flórez était sur la scène du Grosses Festspielhaus de
Salzbourg ce 3 août 2015, dans un programme évidemment destiné à mettre en
valeur ses dons de belcantiste (Leoncavallo, Rossini, Donizetti notamment),
mais pas seulement, puisqu’il s’exposait également à la mélodie française.
Toute la première partie de concert était ainsi italienne et vibrait d’un
soleil vocal éclatant. Ruggero Leoncavallo pour commencer, dans trois de ses
mélodies. Si le compositeur est avant tout connu pour le succès à l’opéra de Pagliacci, il est davantage que cela. Le
plus souvent compositeur de musique sur ses propres textes, le programme du
soir nous présente deux exceptions, Aprile
et Vieni Amor moi ! sur des
textes d’Annie Vivanti. Le premier invite à lâcher de vieux livres pour sortir
au soleil printanier, le second, presque la suite du premier, rapproche deux
êtres au soleil levant, célébrant la lumière du ciel se reflétant dans les yeux
bleus des protagonistes. Facile et connu, mais néanmoins brillant et lumineux.
De retour à son propre texte dans Mattinata,
le compositeur nous ramène à l’aube naissante. La voix et le caractère de Juan
Diego Flóres colle à ce vérisme là parfaitement et l’entrée en matière est
superbe.
Avec Francesco Paolo Tosti, trois mélodies suivaient. Malia, L’alba separa dalla luce l’ombra et Marechiare. Ces romances de salon Belle époque sont des mélodies
faciles à chanter, qui dégagent une douce sensualité et la dernière, chanson
napolitaine fort connue, dans laquelle Juan Diego Flóres brille de mille feux
et en fait des tonnes (à voir en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=1X5jD4_gY7o).
C’est entraînant, supérieurement maîtrisé et parfaitement exécuté à l’avantage
du chanteur du soir qui sait pouvoir remporter là un succès facile. Dans sa
loge, celui qui triomphait dans le Comte des Nozze di Figaro de Mozart, Luca Pisaroni, semblait dubitatif ;
entre le belcanto et son lyrisme barytonal, il semble bien que la lune sépare
la lumière de l’ombre. Son regard pouvait laisser passer un certain agacement
devant tant de frivolité ; lutte sourde entre le baryton et le ténor, fi
donc, d’opérette qui plus est !
Passons aux airs d’opéra de Rossini et Donizetti, où le héros du soir
sait tout autant pouvoir tranquillement triompher. L’air de Narciso, tiré de Il turco in Italia (on trouve l’extrait
du concert en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=J-fFupozJ_c),
montre des dons d’équilibriste ébouriffants. Dans l’air de Gennaro, extrait de Lucrezia Borgia de Donizetti, même topo
(https://www.youtube.com/watch?v=7E536xyvXpU):
« T’amo qual s’ama un angelo »,
sans doute une déclaration généralement admise.
Autre climat avec les chansons françaises qui suivaient au programme.
Henri Duparc appelle davantage de finesse que d’éclat. Cette Chanson triste sonne encore trop comme
un air de belcanto qui s’attarde des éléments précédents. L’invitation au voyage de même, nous menait trop vers le sud et
l’Italie exposée à l’éclat du soleil brûlant. Le bleu manoir de Rosemonde ne
voyait pas mourir celui dont on devait suivre la trace au sang répandu à la
morsure de l’amour. Avec l’extrait du Faust
de Gounod, ce salut à la demeure chaste et pure (https://www.youtube.com/watch?v=0V-JAe0ovKM),
la présence d’une âme innocente et divine semble très loin des finesses que
peut y mettre un Jonas Kaufmann. Il y avait ici trop de richesse en cette
pauvreté, trop de félicité en ce réduit, un éclat trop facile en terrain
conquis, alors que l’on aurait préféré davantage de charme et une meilleure
compréhension des nuances de la langue.
Edgardo, qui terminait le récital sur l’air tiré de Lucia di Lammermoor, de Donizetti, nous ramenait à un éclat jamais
abandonné (https://www.youtube.com/watch?v=SVc51dDesdM).
Les trois bis espagnols sont irrésistibles et Juan Diego Flóres en
rajoute des tonnes, arrivant la guitare à la main (retour au Marechiare précédent dont les deux
derniers vers sont : « P’accumpagnà
li suone cu la voce, stasera ‘na chitarra agio purtato »), arrache le
nœud papillon, ouvre la chemise et déchaîne les passions. Dans sa loge, Luca
Pisaroni semble dépassé, agacé par un rival trop démonstratif. Besa me mucho, la Malagueña et,
évidemment dirons-nous, Granada.
Quiconque chante dans sa langue maternelle y met davantage de naturel que dans
toute autre et Juan Diego Flóres y est effectivement renversant. Enfin, retour
à Donizetti, avec La fille du régiment.
Ah ! mes amis, je vais garder en mémoire ce concert au cours duquel nous
avons eu la flamme incomparable d’un chanteur au sommet de son art et
qu’importe s’il faudra revenir en entendre d’autre pour retrouver la finesse de
certaines mélodies françaises, expédiées ce soir avec bien trop d’éclat (https://www.youtube.com/watch?v=x5aLNi632MY).
4 août 2015
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