vendredi 18 décembre 2015

L’ECLAT DU BELCANTO


Juan Diego Flórez était sur la scène du Grosses Festspielhaus de Salzbourg ce 3 août 2015, dans un programme évidemment destiné à mettre en valeur ses dons de belcantiste (Leoncavallo, Rossini, Donizetti notamment), mais pas seulement, puisqu’il s’exposait également à la mélodie française. Toute la première partie de concert était ainsi italienne et vibrait d’un soleil vocal éclatant. Ruggero Leoncavallo pour commencer, dans trois de ses mélodies. Si le compositeur est avant tout connu pour le succès à l’opéra de Pagliacci, il est davantage que cela. Le plus souvent compositeur de musique sur ses propres textes, le programme du soir nous présente deux exceptions, Aprile et Vieni Amor moi ! sur des textes d’Annie Vivanti. Le premier invite à lâcher de vieux livres pour sortir au soleil printanier, le second, presque la suite du premier, rapproche deux êtres au soleil levant, célébrant la lumière du ciel se reflétant dans les yeux bleus des protagonistes. Facile et connu, mais néanmoins brillant et lumineux. De retour à son propre texte dans Mattinata, le compositeur nous ramène à l’aube naissante. La voix et le caractère de Juan Diego Flóres colle à ce vérisme là parfaitement et l’entrée en matière est superbe.
Avec Francesco Paolo Tosti, trois mélodies suivaient. Malia, L’alba separa dalla luce l’ombra et Marechiare. Ces romances de salon Belle époque sont des mélodies faciles à chanter, qui dégagent une douce sensualité et la dernière, chanson napolitaine fort connue, dans laquelle Juan Diego Flóres brille de mille feux et en fait des tonnes (à voir en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=1X5jD4_gY7o). C’est entraînant, supérieurement maîtrisé et parfaitement exécuté à l’avantage du chanteur du soir qui sait pouvoir remporter là un succès facile. Dans sa loge, celui qui triomphait dans le Comte des Nozze di Figaro de Mozart, Luca Pisaroni, semblait dubitatif ; entre le belcanto et son lyrisme barytonal, il semble bien que la lune sépare la lumière de l’ombre. Son regard pouvait laisser passer un certain agacement devant tant de frivolité ; lutte sourde entre le baryton et le ténor, fi donc, d’opérette qui plus est !
Passons aux airs d’opéra de Rossini et Donizetti, où le héros du soir sait tout autant pouvoir tranquillement triompher. L’air de Narciso, tiré de Il turco in Italia (on trouve l’extrait du concert en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=J-fFupozJ_c), montre des dons d’équilibriste ébouriffants. Dans l’air de Gennaro, extrait de Lucrezia Borgia de Donizetti, même topo (https://www.youtube.com/watch?v=7E536xyvXpU): « T’amo qual s’ama un angelo », sans doute une déclaration généralement admise.
Autre climat avec les chansons françaises qui suivaient au programme. Henri Duparc appelle davantage de finesse que d’éclat. Cette Chanson triste sonne encore trop comme un air de belcanto qui s’attarde des éléments précédents. L’invitation au voyage de même, nous menait trop vers le sud et l’Italie exposée à l’éclat du soleil brûlant. Le bleu manoir de Rosemonde ne voyait pas mourir celui dont on devait suivre la trace au sang répandu à la morsure de l’amour. Avec l’extrait du Faust de Gounod, ce salut à la demeure chaste et pure (https://www.youtube.com/watch?v=0V-JAe0ovKM), la présence d’une âme innocente et divine semble très loin des finesses que peut y mettre un Jonas Kaufmann. Il y avait ici trop de richesse en cette pauvreté, trop de félicité en ce réduit, un éclat trop facile en terrain conquis, alors que l’on aurait préféré davantage de charme et une meilleure compréhension des nuances de la langue.
Edgardo, qui terminait le récital sur l’air tiré de Lucia di Lammermoor, de Donizetti, nous ramenait à un éclat jamais abandonné (https://www.youtube.com/watch?v=SVc51dDesdM).
Les trois bis espagnols sont irrésistibles et Juan Diego Flóres en rajoute des tonnes, arrivant la guitare à la main (retour au Marechiare précédent dont les deux derniers vers sont : « P’accumpagnà li suone cu la voce, stasera ‘na chitarra agio purtato »), arrache le nœud papillon, ouvre la chemise et déchaîne les passions. Dans sa loge, Luca Pisaroni semble dépassé, agacé par un rival trop démonstratif. Besa me mucho, la Malagueña et, évidemment dirons-nous, Granada. Quiconque chante dans sa langue maternelle y met davantage de naturel que dans toute autre et Juan Diego Flóres y est effectivement renversant. Enfin, retour à Donizetti, avec La fille du régiment. Ah ! mes amis, je vais garder en mémoire ce concert au cours duquel nous avons eu la flamme incomparable d’un chanteur au sommet de son art et qu’importe s’il faudra revenir en entendre d’autre pour retrouver la finesse de certaines mélodies françaises, expédiées ce soir avec bien trop d’éclat (https://www.youtube.com/watch?v=x5aLNi632MY).
4 août 2015

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